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DE BANDHA PHYSIQUE À BANDHA SUBTIL

Alain Bonnasse-Gahot
Cet article est inspiré d’une interview de Sadguru, fondateur de l’Isha Foundation, une organisation à but non lucratif de yoga en Inde. Il en reprend de larges extraits et permet de faire le lien avec notre pratique du Yoga de l’Energie. Le thème de l’interview est :
« La véritable signification des bandhas et des verrous dans la pratique du yoga. »
Rappelons que les bandhas sont des actions musculaires, plus ou moins marquées. On peut les traduire par verrous, ou ligatures. Ils s’associent à la pratique du Prânayama, comme le sont les mudrâs, ou gestes sacrés, qui sont aussi des formes de verrous, de sceaux.
Mudrâs et bandhas ont une action directe sur le corps physique, et faisant partie du Prânayama, ont une action sur le corps subtil, sûkshma sharira.
Il existe trois bandhas (Sadguru parle de huit, peut-être inclus-t-il certains mudrâs) :
Mûla bandha qui concerne le plancher pelvien, uddîyâna bandha qui concerne le diaphragme, et jâlandhara bandha la gorge. A ces trois bandhas on ajoute bandha traya qui est la combinaison des trois.
Pratiqués physiquement, ces bandhas ont une action sur le corps physique, sur l’ensemble des fonctions du corps, mais aussi peuvent aider à bien placer le corps dans certaines postures, en contrôlant notamment la position du bassin ou du dos.
L’art de respirer, ou prâna ayama, fait appel à des respirations subtiles et conscientes, permettant d’entrer en relation avec le corps subtil (sûkshma sharira). La pratique des bandhas se fait alors aussi beaucoup plus subtile, faisant intervenir l’intention plus que la véritable contraction musculaire. Ils favorisent l’orientation de la circulation de l’énergie dans le corps. Ceci ne peut se faire qu’au bout d’un certain temps de pratique, rappelons que le yoga se met en place progressivement, sans brûler les étapes.
A la question : « Quelle est la signification des bandhas que nous pratiquons dans certaines postures ? »
Sadguru répond :
« Parlons d’abord des bandhas en général. Ceux que vous faites sont une première étape. Essentiellement, les bandhas sont faits pour progressivement contrôler et verrouiller votre énergie comme vous le voulez. Les bandhas sont utilisés pour gagner le contrôle de votre système énergétique. Dans un premier temps vous les pratiquez physiquement. Si un jour, sans utiliser votre système musculaire ou squelettique, vous êtes toujours capable de le faire, alors votre bandha est juste. Vous pouvez alors le verrouiller où vous voulez et diriger vos énergies selon l’action que vous voulez faire. Après un certain temps, vous n’aurez même plus besoin de penser à le verrouiller. Cela se fera, tout simplement. Si vous voulez pratiquer une activité, votre système commencera à répondre de lui-même.
Les Bandhas sont utilisés pour contrôler votre système énergétique. »
Du bandha physique vers un bandha plus subtil : ce double aspect du bandha va se faire selon l’intention qu’on y met, mais aussi selon la respiration. Dans la manière de respirer, le bandha reste plus physique. C’est une première étape. Les ressentis s’affinant, la pratique des indriyas, les sens subtils se mettant en place, on peut alors s’approcher de l’art de respirer, cet art de conduire l’énergie à l’aide du regard intérieur et de la respiration prânique, et le bandha deviendra subtil, mental, c’est à dire qu’on amène l’attention sur la zone concernée sans pratiquer physiquement la contraction. Par exemple la pratique de mûla bandha permet de prendre conscience de mûladhara chakra. Le bandha devient alors un outil très subtil qui permet d’orienter la circulation de l’énergie de manière plus fine et plus efficace.
« Un aspect important du Yoga est d’obtenir un même contrôle sur le Corps de l’Energie, Prânamaya Kosha, et sur le Corps du Mental, Manomaya Kosha, comme vous avez fait sur le Corps de Chair, Annamaya Kosha. Pour l’expérimenter, vous pouvez essayer ceci, en utilisant votre main. Au départ, fermez fermement et ouvrez votre poing, ceci trois fois. Puis faites-le mentalement. Vous pouvez devenir conscient des sensations crées par cette action.
Vous savez seulement que votre poing est fermé grâce aux sensations que vous expérimentez.
Il n’y a pas d’autre moyen pour vous de le savoir. Quand vous le faites mentalement, au moins jusqu’à un certain point, vous pouvez avoir la sensation de fermer le poing. Jusque là, vous avez le contrôle de votre corps physique. Dans le Yoga vous voulez atteindre un état où vous pouvez agir sur les trois koshas en même temps. Si vous voulez vraiment être au plus près de cet état, il est important que votre corps de l’Energie et votre Corps du Mental fassent la même chose que votre corps physique. Sinon il y aura des frictions. »
L’alignement en yoga ne concerne pas que le corps et les postures physiques : l’être humain est constitué de cinq couches, ou koshas : le corps de chair, annamaya kosha, le corps de l’énergie, pranamaya kosha, le corps du mental, manomaya kosha, le corps de connaissance, vijnanamaya kosha, ces trois derniers constituant le corps subtil, ou sukshma sharîra, et enfin le corps causal, ou de béatitude, anandamaya kosha. L’art du yoga est d’arriver à aligner ces différents corps :
« Frictions- vie libre
Si votre Annamaya Kosha, Manomaya Kosha et Pranamaya Kosha ne sont pas proprement alignés et synchronisés, vos actions ne seront pas harmonieuses, simples et sans efforts. Il faudra beaucoup d’efforts pour faire des choses simples. Par exemple, la quantité de sommeil dont vous avez besoin est déterminée par cet alignement. Si vous avez besoin de huit heures de sommeil – à moins que vous ayez eu une activité physique exceptionnellement intense – cela signifie que vos trois corps ne sont pas proprement alignés. Ils sont en friction. Vous avez besoin de ce temps de repos pour guérir toutes les frictions qui sont en vous. Si ces trois aspects sont bien alignés, vous n’aurez plus besoin que de quatre heure trente ou cinq heures de sommeil. Si vous êtes moins actifs physiquement, vous serez bien avec encore moins d’heures car tout est parfaitement aligné.
C’est ce que nous voulons apporter au monde – que les humains puissent agir au maximum de leurs possibilités. L’efficacité de n’importe quelle machine dépend essentiellement du niveau des frictions en elle. Si vous réduisez les frictions à leur minimum, avec la même puissance, cela produira beaucoup plus de travail. D’un autre côté, s’il y a plus de frictions, les déchets seront plus importants. C’est ce qui arrive à beaucoup de gens. Si vous avez la vision juste, vous pouvez clairement voir quels sont les corps synchronisés et ceux qui ne le sont pas. Vous devrez être capable de regarder les gens, qui qu’ils soient, non pas en termes de parties de corps, mais en termes d’alignement et de géométrie de leurs différents corps.
Vous verrez qu’il y a beaucoup plus de beauté dans cette géométrie que dans la forme extérieure d’un corps.
Diriger vos énergies
Ceci est important car le yoga n’est pas simplement d’apprendre 33 ou 84 asanas, c’est apprendre les mécanismes de la vie. Il y a tant à apprendre que même si vous y passez plusieurs vies, vous ne connaitriez pas tout à leur sujet. Personne ne peut dire qu’il connaît tout de ces mécanismes. Vous les connaissez jusqu’au point où ils vous paraissent pertinents. Mais si vous voulez fouiller un peu plus loin, il y a beaucoup plus à voir. »
Le yoga est une pratique progressive. Il faut d’abord arriver à détendre le corps, à travers des postures et des enchaînements de postures accessibles, prendre conscience de la respiration et la laisser se calmer, pratiquer le geste conscient. Progressivement en développant le ressenti intérieur, en calmant le mental, en favorisant le recentrage, la découverte de ces corps subtils et leur alignement se fait, par l’expérience.
Les bandhas sont une dimension du yoga où, pour revenir à notre exemple, vous apprenez à serrer un poing sans utiliser le corps. Au départ vous utilisez le corps. Mais progressivement vous pouvez arriver au point où, sans faire quoi que ce soit avec votre corps, vous tenez n’importe quel verrou, où vous voulez. Il y a huit sortes de verrous, mais généralement on en enseigne trois, car pour la plupart des gens, seulement ces trois sont pertinents. Cela prendra un certain temps de pratique avant de pouvoir développer d’autres aspects. Si vous avez un mouvement suffisant dans votre corps de l’énergie, s’il est devenu suffisamment malléable, alors vous pouvez utiliser les huit sortes de verrou, ce qui vous permettra de faire des choses que la plupart des humains n’ont même pas rêvé de faire.
Plus votre pratique est affinée, plus vous noterez que sans y être complètement centré, vous ne pourrez pas la faire. Le Yoga est une activité très élaborée.
Même avec les trois verrous de base que vous pratiquez, nous voulons doucement vous amener jusqu’au point où vous êtes capable de les verrouiller sans utiliser votre système musculaire. N’essayez pas ceci maintenant, vous perdriez votre temps et votre énergie. D’abord, vous devez pratiquer parfaitement ces verrous physiquement. Puis si vous voulez, vous pouvez arriver au point où, sans utiliser votre système musculaire, vous pouvez utiliser n’importe quel verrou. »
Importance du geste conscient, de la respiration consciente. Dès le début de la pratique, l’élève est initié au geste conscient, à la respiration consciente. Ca commence par un mouvement de bras tout simple, en conscience, dans le ressenti des bras, avec la synchronisation avec la respiration. Au début l’élève prend conscience de la respiration naturelle, telle qu’elle vient, du fait que « ça respire ». Puis progressivement, les gestes se font plus élaborés, deviennent des phrases, des enchaînements de postures, des postures, la respiration se calme, s’allonge, s’affine, le regard intérieur se met en place, il aide à vivre et ressentir la posture, à se centrer, et permet progressivement d’orienter la circulation d’énergie dans la posture par l’intermédiaire de bandhas et de mudrâs, alignant ainsi corps, respiration et mental, ou dit autrement alignant annamaya kosha, prânamaya kosha et manomayakosha.
« Vous pouvez faire tel verrou de manière à ce que l’énergie soit centrée vers l’activité particulière que vous voulez faire. Cette activité se fera merveilleusement bien parce que vos énergies sont centrées vers elle et ne sont pas dissipées ailleurs. Donc les bandhas sont essentiellement votre habilité à verrouiller directement votre énergie où vous voulez.
Si vous voulez aller dans une direction et que votre corps va dans une autre, est-ce efficace ? De même avec l’esprit, les mouvements non nécessaires de l’esprit vous rendent inefficace. Si vous voulez faire quelque chose mais que votre esprit est ailleurs, vous ne pouvez pas le faire correctement. Quand le corps physique ne fait pas ce que vous voulez, vous êtes totalement hors de contrôle. Quand le corps du mental ne fait pas ce que vous voulez, vous êtes aussi quelque part hors de contrôle. Plus votre activité est affinée, plus vous noterez que sans être entièrement centré sur elle, vous ne pourrez pas la faire. Le yoga est une activité très élaborée. »
Enfin, pour conclure Sadguru parle du corps causal, corps de béatitude, anandamaya kosha. Vivre ce corps de béatitude c’est d’abord simplement apprécier les ambiances, goûter cette saveur subtile de la pratique, tout en étant capable d’en être le simple témoin. Le point source, cette zone où l’on peut se mettre en retrait et de là être ce témoin intérieur, est un bindu, commun à tous les différents koshas. Puis, la pratique de Samyama, le travail en assise, la découverte des plans de conscience les plus subtils, l’observation des ambiances qui en résultent, permet de se transformer profondément, alors cette félicité s’installe, par intermittence, et enfin durablement…
« Des Bandhas à la félicité »
« Une autre dimension des bandhas est, quand vous restez dans un asana un certain temps, en un sens, dans sa propre nature, il devient un bandha. ; vous tenez la posture parce que vous voulez obtenir la juste géométrie où Annamaya Kosha, Manomaya Kosha, et Pranamaya Kosha sont alignés. Tous les trois, les corps physique, mental et énergétique sont physiques par nature. Vous essayez d’ajuster leur aspect physique. Ce qui est au delà de ça, Anandamaya Kosha ou corps de félicité, n’a pas besoin d’ajustements, vous avez juste à l’expérimenter. Mais pour y accéder, vos corps physique, mental et énergétique doivent être alignés. Dans nos programmes Bhava Spandana, vous verrez beaucoup de gens dans un état de félicité parce que nous créons une situation où ils ont ces trois corps alignés. Soudainement, il y aura une explosion de félicité en eux. Pour la maintenir, pour être capable de l’expérimenter et d’y accéder tout le temps, vous avez besoin de travailler sur cet alignement des trois corps. »