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Propos sur l’Énergie
Jean Pierre Laffez
ET LE YOGA DANS TOUT ÇA ?
SPIRITUALITÉ DU MONDE ACTUEL ?
Le yoga dans sa vastitude répond à toutes les situations. Dans notre point de vue, nous resterons très objectif, tout au moins nous l’espérons. Beaucoup de raisons peuvent être à l’origine de cette « universalité ». Les deux principales, selon justement notre point de vue, sont que le yoga n’est pas une religion au moins au sens commun et qu’il a malgré cela, derrière lui, un âge très avancé, s’inscrivant complètement dans une tradition au-delà de tout dogme et de tout comportement religieux.
Nous aborderons, ici, un certain nombre de définitions et nous verrons petit à petit comment le yoga est une voie spirituelle pleine de jeunesse.
Que peut-on définir par monde actuel ?
Chacun est en droit de se demander « pourquoi pas monde, ou homme moderne ». Expression tellement habituelle et commune.
Dans un de ces ouvrages[1], C.G. JUNG nous dit « que le problème physique de l’homme moderne est une de ces questions que leur modernité même rend incommensurable ».
Il nous définit, sans justement y arriver d’une façon précise, ce que nous pouvons entendre, ou supposer comme étant l’homme moderne. « Le moderne, c’est l’homme qui vient d’apparaître ; un problème moderne est une question qui vient de se poser et dont la réponse est encore dans l’avenir ».
Plus loin, il nous dira encore « qu’il s’agit là d’une question qui vient de se poser et dont la réponse est dans l’avenir ». Ceci revient à « poser des questions qui seraient peut-être tout à fait autres si nous avions la moindre idée de la réponse future ».
Plus loin, Jung attirera notre attention sur les faux prophètes, les syncrétismes, les voies prétendant détenir, seules, une vérité pour l’homme moderne.
L’homme moderne est difficile à cerner, pour ne pas dire impossible. Le monde actuel a eu, pour nous, la préférence. D’ailleurs, le yoga et son introduction dans le monde occidental est, comme beaucoup d’autres voies, un phénomène que nous pouvons observer dans de nombreux domaines de notre société actuelle.
Comment pourrons-nous définir « le monde moderne » si ce n’était que propre à chacun de nous, un ressenti qui ne sera pas le même pour tous.
Nous avons d’ailleurs tendance à considérer le monde occidental et sa civilisation comme constituant le monde moderne. Il s’agit, bien sûr, d’un leurre. Les pays orientaux et leurs façons de considérer la vie (et la mort d’ailleurs) influencent notre façon de vivre d’une manière importante. Nous en sommes tous conscients.
Nous définirons, pour notre article, le monde actuel, ce monde du nouveau millénaire. Monde du stress et de la bousculade, monde aux moyens d’échanges, de communications et de voyages de plus en plus rapides, de plus en plus faciles. Monde dans lequel la durée de vie s’allonge, tout au moins pour une partie du globe, allongement qui devrait servir à une transmission des connaissances traditionnelles. Monde, en ce qui concerne nos pays, des loisirs et du temps libre ; liberté qu’il serait utile d’utiliser d’une manière intelligente. Monde, malheureusement, des « guerres de point de vue ». Nous pensons aux « croisades autant anti-religieuses que racistes », menées un peu partout dans le monde.
Monde des extrémismes et des intégrismes, qu’ils soient religieux, c’est la tendance actuelle, ou anti-religieux comme il en existait il y a encore peu de temps, mais tout autant intégristes.
Le yoga, discipline plusieurs fois millénaire, a profité des propositions du monde moderne : facilités des échanges, des voyages et pour nous, société occidentale une ouverture en toute liberté aux idées des autres.
Le yoga a suscité beaucoup de vocations de voyages en Inde. Internet favorise les échanges avec obligatoirement des inconvénients qui ne manqueront pas de survenir. Nous n’avons pas vu de cours de yoga par Internet, mais sûrement que cela ne devrait pas tarder… Nous pouvons trouver des sites proposant « la posture du mois ». C’est un début.
Nous nous situons dans notre point de vue de « monde actuel » dans la vie quotidienne individuelle ou en collectivité.
Cette surabondance des moyens rapides de communication a son revers. Est-ce que tout ce qui est puisé en Inde, ramené de l’Inde a été bien assimilé ? Utilisons une métaphore pour nous faire comprendre.
Il y a quelques 40 ou 50 ans, les voyages lointains se faisaient en bateau. En général, plusieurs semaines étaient nécessaires pour un voyage qui aujourd’hui demande, au pire, 15 à 20 heures d’avion. Le corps avait le temps de s’habituer, les changements de climats, d’horaires, peut-être de nourriture avaient le temps de se faire. Ceci n’est plus vrai aujourd’hui. Qui a pu voyager, même pas très loin, en a fait l’expérience. Nous pensons qu’il en est de même avec le monde des idées, des modes de vie, et d’une voie telle que le yoga. Des méthodes, des façons de faire, des points de vue de diverses lignées sont mises en pratique tout juste découvertes avant d’avoir été assimilées. Bien souvent, une technique en remplace une autre avant même d’avoir eu une quelconque expérience.
La Spiritualité est-elle la religion ?
Spiritualité a la même origine que “ spire ”, tourbillon, depuis lequel nous trouvons spirite, spiritisme, spiritualité, spirituel… Le spiritualisme peut être défini comme une doctrine philosophique qui admet l’existence de l’esprit comme une réalité à la fois indépendante et liée au corps tant que la vie est manifestée.
Dans la démarche générale liée à la spiritualité, il existe une recherche du Divin, du Soi, du Moi profond, mot différent suivant chacun mais au sens identique. L’Homme au plus profond de lui-même est dans cette recherche du “ Divin en Soi ”, même si cette question reste simplement liée au “ pourquoi de la vie ”.
Naturellement, nous avons à parler de Religion, éventuellement à définir ce terme, souvent confondu avec spiritualité. La démarche de toute religion devrait être cette recherche du spirituel contenu dans les profondeurs de la conscience de tout adepte. Ce n’est pas toujours le cas.
La religion : comment la définir ? Faut-il faire le point ?
Nous prendrons la définition du dictionnaire Robert.
Õ de relegare : relier, mettre avec, se relier au Divin. Nous avons là un point commun avec spiritualité. Nous le verrons en abordant le yoga.
D’une façon plus classique et plus conventionnelle, nous adopterons la définition de C.G. Jung.
« La religion me semble être une attitude particulière de l’esprit humain, que l’on pourrait désigner, conformément à l’acceptation primitive du mot religio, en disant : c’est une attitude d’observation attentive et de considération minutieuse de certains facteurs dynamiques, jugés par l’homme comme étant des « puissances » : esprits, démons, dieux, lois, idées ou idéaux ou tels autres noms que l’homme a pu donner aux facteurs dont il a fait l’expérience dans son univers, et dont il a estimé qu’ils étaient soit suffisamment puissants, dangereux ou secourables pour leur accorder une considération attentive, soit assez grands, beaux et pleins de signification pour les adorer avec piété et les aimer. En anglais, on dit fréquemment de quelqu’un qui se passionne pour quelque entreprise : he is almost religiously devoted to his cause (il est presque religieusement dévoué à sa cause). William James, par exemple, remarque qu’un homme de science n’a souvent pas de croyance, mais que son tempérament est religieux.
Je tiens à préciser que par le mot religion, je n’entends pas une profession de foi déterminée. Néanmoins, il est exact que chaque confession se base, d’une part, à son origine sur une expérience directe du numinosum, puis d’autre part sur de la pistis, c’est-à-dire, sur de la fidélité (loyauté), sur de la foi et de la confiance à l’égard d’une expérience précise des faits « numineux » et de la modification de conscience qui en a résulté : la conversion de Paul en est un exemple frappant. On pourrait donc dire que l’expression « religion » désigne l’attitude particulière d’une conscience qui a été modifiée par l’expérience du numinosum. »[2]
La religion sous-entend un enseignement dogmatique, une hiérarchie de clergé… Nous savons tous ce que cela a pu donner comme inconvénients. Mais il existe aussi quelques avantages, ne serait-ce que celui d’éviter la déviation sectaire.
LE YOGA
Le yoga est donné en Inde comme un des six DARSHANA, six points de vue plus que philosophiques car chacun est une voie en soi, proposant les moyens ambitieux de conduire l’adepte vers la libération.
Les darshanas font équipe, si nous nous permettons cette expression, à deux. Le yoga est complété par le sâmkhya à la fois théorie mais aussi moyen d’accès vers cette libération.
Nous nous excusons auprès de notre lecteur ; les quelques définitions que nous donnerons ci-après sont peut-être connues de lui, mais nous nous adressons à tous.
La définition et l’étude étymologique du mot yoga, lui-même, est très proche de celle du mot religion. Leur origine linguistique est la même : relegare, relier, réunir, et d’une manière plus précise pour yoga : joug, moyen utilisé pour relier d’une manière indissociable les bœufs d’un attelage. On a souvent dit que le yoga visait à relier l’homme à lui-même, le relier à Dieu, au Divin, etc…
Yoga sous-entend également le moyen de parvenir à ce à quoi il vise, c’est la particularité même des darshanas.
Le plus ancien texte écrit sur le yoga date de la période 300 ans avant ou après Jésus-Christ. “ Les Aphorismes de Patanjali ” constituent la transmission à la fois la plus simple et aussi la plus précise de cette voie. Ce court texte d’aphorismes a sans cesse été commenté. Commentaires évoluant au fur et à mesure des époques et aussi des mentalités. Cette possibilité de commentaires adaptés à l’époque est le propre de toute tradition. On doit bien se garder de confondre tradition avec coutume : transmettre un enseignement universel pouvant être adapté à toute société, à toute époque est le propre d’une tradition.
Dans “ Les Aphorismes de Patanjali ”, il est dit que l’adepte doit choisir et s’adonner à sa propre religiosité, à sa “ ISHTA-DEVATÂ ”. Terme traduit par sa “ déité de prédilection”, en plus simple à son propre Dieu. Il nous est, par ailleurs, précisé que cela n’est même pas obligatoire et qu’ainsi l’agnostique peut aussi être un yogi.
Différents yogas pour satisfaire aux diverses mentalités, aux diverses qualités, et aux diverses recherches de chacun sont donc proposés. Nous les rappelons en nous permettant de ne pas les commenter ici.
division |
donnant la maîtrise sur |
conduisant au contrôle de |
Hatha-Yoga |
respiration |
corps physique et vitalité |
Laya-Yoga |
volonté |
pouvoirs de l'esprit |
Bhakti-Yoga |
amour |
pouvoirs d'amour divin |
Shakti-Yoga |
énergie |
forces énergétiques de la Nature |
Mantra-Yoga |
son |
pouvoirs de vibration des sons |
Yantra-Yoga |
forme |
pouvoirs des formes géométriques |
Dhyâna-Yoga |
pensée |
pouvoirs des processus de pensées |
Râja-Yoga |
méthode |
pouvoirs de discrimination |
Jnana-Yoga |
connaissance |
pouvoirs de l'intelligence |
Karma-Yoga |
activité |
pouvoirs de l'action |
Kundalinî-Yoga |
kundalinî |
pouvoirs des forces des nerfs psychiques |
Samâdha-Yoga |
le soi |
pouvoirs d'extase |
D’une manière générale, chacun au travers d’une présentation et d’une discipline différentes, propose à l’adepte d’accéder à la méditation et à partir de là, une découverte de soi.
Le Tantrisme ne doit pas être omis. Nous ne nous étendrons pas ici sur sa définition. Le Yoga de l’Énergie, d’essence tibétaine est aussi de source tantrique. Ne serait-ce que par les pratiques sur le corps de l’énergie qui y sont proposées.
Tantrisme et Hatha-Yoga sont si proches qu’ils se fondent et se confondent l’un l’autre. Nous avons défini spiritualité comme doctrine philosophique : le yoga, un des six darshanas propose cette doctrine philosophique. Il admet l’existence de l’esprit, esprit lié au corps, indissociable du corps. La doctrine philosophique du yoga est une doctrine pratique. La différence la plus flagrante est certainement la proposition d’une pratique objective permettant d’appliquer cette doctrine. C’est au travers des huit étapes que propose Patanjali que cette doctrine s’applique. Citons ces huit étapes, ou huit “ashtanga”[3] :
« 1) Yama, abstinence, refrènements au nombre de cinq :
a) ahimsâ, la non-violence : s'abstenir de toute violence sous tous les aspects possibles : pensée, parole, action. Provoquer de la souffrance à tout être vivant est le contraire de la loi du "Dharma".
b) satya,,la vérité, ne pas mentir, nous dit d'exprimer les choses telles qu'elles sont.
c) brahma-chârya, la chasteté, est le contrôle de l'émotion érotique. Ce point fait l'objet de controverses par les différents commentateurs. Résumons et cela est prétentieux, en disant que les facultés de jouissance doivent être orientées, déviées vers la connaissance et l'objet de dévotion. Le contrôle de la dépense énergétique nerveuse due à l'impulsion sexuelle est indispensable à toute réalisation spirituelle.
d) aparigraha , la pauvreté, est s'abstenir de posséder des biens et aussi le non-attachement aux biens.
e) astéya , ne pas voler, ne pas s'approprier le bien d'autrui, jusqu'à nous faire refuser tout cadeau, tout don.
2) Niyama, ce sont les cinq disciplines :
a) saucha, la propreté, la pureté, pureté extérieure, certes, maintenue à l'aide de bains, rituels, alimentation, etc... mais pureté intérieure, résultat des abstinences et refrènements précédents.
b) santosha, le contentement, permet de garder l'esprit libre et joyeux.
c) tapas ,les austérités, physiques, mentales ou encore verbales, permettent au mental de rester en silence, dans la joie et favorisent aussi la concentration.
d) svâdhyâya, l'étude de soi, vise à amener chacun à prendre conscience de sa vérité dans son être le plus intime.
e) îshvara-pranidhâna, la dévotion au Seigneur, consiste en l'abandon à son Dieu, autant en actes qu'en actions. C'est ce point qui a fait dire à certains commentateurs que le yoga était dans la dualité, alors que le sâmkhya était dans la NON-dualité.
3) Âsana, postures
Âsana signifie ce qui est de nature confortable. Les postures fortifient les résistances du corps. La recherche consiste à éliminer les réactions et les tensions physiques, jusqu'à ce que l'esprit soit lui-même dissous dans l'infini.
D'une manière succincte, nous pouvons dire que le but essentiel des âsanas est de reconstituer l'organisme depuis son système articulaire musculaire, nerveux, digestif jusqu'au mental. Les âsanas, mêmes simples, ont une action puissante sur tout le métabolisme, qu'il soit physique ou énergétique. Patanjali enseigne que la posture doit être stable et agréable (sthira-sukha) sans donner plus de détail.
Le nombre de postures théoriques possibles est traditionnellement fixé à 88 fois 100000. Sur celles-ci, 88 sont importantes ; 33 produisent un effet excellent et 2 sont accessibles à tous. Des livres classiques et anciens décrivent ces postures : Hathayoga-Pradîpikâ, Ghéranda-Samhitâ, quelques upanishads nous en décrivent plusieurs. (Il n’es pas utile de rappeler ici des exemples de pratiques corporelles, que vous trouverez par ailleurs).
4) Prânâyâma, traduit comme le contrôle de la respiration, est l'étude de la manière de respirer jusqu'à l'art de respirer.
La discipline du souffle permet de prendre conscience de prânâ (l'énergie). Depuis toujours, l'Inde a enseigné qu'il existe un lien étroit entre la respiration et les ambiances mentales, quelles qu'elles soient. En modifiant le rythme, le yogi expérimente des états de conscience variés et différents de ceux que l'homme connaît dans l'état de veille habituel.
Le prânâyâma n'est cependant pas un tout en soi. Il n'est qu'une des huit étapes de ce yoga, étapes qui visent, en étant intrinsèquement liées les unes aux autres, à l'unification de la conscience, la préparation à la méditation jusqu'à la contemplation.
Prânâyâma comporte trois temps :
a) pûraka, l'inspiration,
b) réchaka, l'expiration,
c) kumbhâka, la retenue du souffle, qui peut être intérieure ou extérieure. Ce temps de kumbhâka est le but même du prânâyâma. Il nécessite une pratique longue, méticuleuse, patiente, et prudente, car il ne consiste pas seulement en un entraînement à l'apnée. Il est au contraire comparé à un "calice", temps de purification, de prise de conscience de l'énergie (prânâ) propre à faire fonctionner l'ensemble de la machine humaine.
Les contrôles du souffle sont nombreux. Les descriptions tiennent compte de la durée, du rythme, de la localisation, du souffle léger ou profond, externe, interne ou encore absolu.
Tout dans le yoga est le résultat de l'expérience et de ce fait est graduellement réglé. Le yogi doit maîtriser âsana, les gestes ou mudrâs (nous en parlerons plus loin) pour pouvoir expérimenter l'art de respirer, les bandhas, contractions musculaires servant de verrous, protection dans la pratique de prânâyâma.
Il est décrit dans Hatha-Yoga-Pradîpikâ, neuf contrôles différents, préparatoires à l'art de respirer.
5) Pratyâhâra est dit le retrait des sens.
Nous en avons parlé précédemment, ainsi que des étapes suivantes, en parlant du Râja-Yoga ; nous les énumérerons donc seulement ici.
6) Dhâranâ, la concentration.
7) Dhyâna, la médiation.
8) Samâdhi, la contemplation ; extase pour certains commentateurs, "enstase" pour d'autres comme Mircéa Eliade ; étape que nous nous garderons bien sûr de commenter. » [4]
Huit étapes qui proposent pas moins que la découverte du Soi, du Divin, du moi Supérieur. Quel que soit le terme utilisé, il s’agit de la connaissance de Soi.
Le conditionnement de l’Homme Occidental lui fait confondre connaissance de Soi avec étude de Soi. Habitude, mauvaise habitude, nous pouvons même l’écrire, s’étudient d’une manière “ intellectuelle ”, “ raisonnée ”, mais rarement pragmatique, peu et quelquefois pas du tout par expérience.
Prenons à titre d’exemple “ Santosha ” le contentement. Il ne s’agit pas du tout de cultiver une fausse attitude de contentement sans expérience, mais de découvrir au plus profond de nous-mêmes comment Santosha, qui est plus que le contentement, peut nous être d’un intérêt particulier.
Il n’est pas question de confondre le yoga et plus particulièrement un yoga occidental, à caractère Hatha-Yoga et Karma-Yoga ou encore le Yoga de l’Énergie à une pratique et un comportement religieux quelconque. Nous avons désiré, ici, associer chacun à un constat et une réflexion : le yoga est une voie spirituelle pour le monde actuel. Nous conclurons maintenant.
CONCLUSION
Revenons sur le titre de notre article : “ Yoga, spiritualité du monde actuel ”. Nous n’avons pas l’intention d’élever le yoga à une religion. Cet objectif est loin de notre propos.
Notre monde actuel a besoin d’une voie spirituelle “ neutre ”. Le yoga n’est certes pas la seule voie, nous pensons au zen sous ses aspects méditations, une certaine vision et pratique des arts martiaux, bien d’autres encore. Nous pouvons côtoyer des personnes qui au travers d’une pratique religieuse ressentent la véritable joie de vivre, objectif de la pratique du yoga.
Le yoga a su, malgré tout, traverser de nombreux siècles, de nombreuses époques et ce qui est propre à toute Tradition, il a été et il est toujours d’époque. Ses enseignements sont suffisamment universels pour s’adapter et ainsi convenir. Bien entendu, nous pensons à un yoga pour Occidentaux, ni traditionnellement hindouiste, ni non plus complètement déformé, et n’ayant plus que le nom de yoga.
Certains auteurs ont pu écrire que le Yoga de l’Énergie était un syncrétisme de plusieurs voies. Nous n’avons pas à nous élever contre ce fait inexact.
Il peut être considéré comme syncrétisme si l’on voit l’adaptation occidentale qu’il a fallu ménager, mais il en est ainsi pour toutes les voies pratiquées en Occident. Les Indiens, eux-mêmes, sont à l’origine de ces diffusions et des adaptations culturelles. Quant à affirmer qu’il est un mélange, cette affirmation s’appuie que des faits inexacts (Nous avons pu le lire dans une revue récente, d’un auteur anonyme d’ailleurs, qui visiblement n’avait aucune connaissance de nos pratiques.
Dans notre prochain article, nous parlerons plus particulièrement du Yoga de l’Énergie.
Bonne et longue pratique à tous !
[1] « Problèmes de l’âme moderne », C.G. Jung, Éd. Buchet-Chastel.
[2] Psychologie et religion, C.G. Jung, éd. Buchet /Chastel.
[3] « Les premiers pas vers un yoga au quotidien, du stress à la joie de vivre », MJ et JP Laffez, Éd. Cariscript.
[4] Les premiers pas vers un yoga au quotidien, JP et MJ Laffez, Ed. Cariscript, collection « l’homme profond ».
L'ÉNERGIE ET SA CIRCULATION
La médecine chinoise et toutes les médecines orientales, reposent sur un principe commun à l'Inde et au Tibet la physiologie énergétique. Cette découverte a permis de mettre au point l'ensemble de la médecine orientale énergétique : acupuncture, massages, alimentation, gymnastique, psychologie, habitat…
Les anciens maîtres en énergétique ont codifié cette connaissance par de nombreuses observations.
Selon George Soulié de Morant :
1°) La reconnaissance répétée de points devenant douloureux et actifs en cas de troubles organiques.
2°) Des lignes reliant certains de ces points : méridiens ou nadis .
3°) L'observation quand un méridien est excité d'une sensation de passage "d'un quelque chose" toujours dans le même sens.
4°) La sensation d'un passage, d'un trajet à l'autre.
5°) Quelquefois, l'observation d'une intensité régulière dans certains méridiens suivant les heures de la journée.
Toutes ces observations venant en dehors des circulations liquidiennes physiologiques sang, lymphe.
L'ordre dans lequel le courant d'énergie parcourt tous les méridiens les uns après les autres, est précis et déterminé, avec des moments de maximum, de pléthore, et de moments de minimum, de vide. Ainsi, nous trouvons une circulation de l’énergie dans douze méridiens, suivant un rythme de douze fois deux heures. Nous retrouvons ce chiffre douze dans la représentation des douze pétales de Anâhata chakra, centre énergétique distributeur de l’énergie dans l’ensemble du corps.
Schéma d’Anâhata chakra
La vitesse de l'énergie est décrite dans un texte classique, Nei-Tsing. L'énergie passe le cercle des méridiens cinquante fois en 24 heures, ou si l'on préfère, suivant une révolution solaire (ou de la terre autour d'elle-même).
Un savant calcul mathématique permet d'établir la vitesse linéaire du passage de l'énergie à travers le corps. Ceci n'est pas d'une grande importance pour notre étude. On peut cependant constater que la respiration est liée à ce mouvement.
L'influence des astres est également à prendre en considération. L'homme microcosme est indissociable de l'univers, macrocosme.
Il existe des rapports pendant un parcours : vitesse, lieu, emplacement du soleil dans le ciel...
Le rapport entre microcosme et macrocosme est défini avec précision. Ainsi,
"Le tour du ciel est de vingt-huit constellations, dont chacune a 36 divisions (28 x 36 = 1.008 divisions célestes).
"Pendant que le soleil parcourt ces 28 constellations, l'énergie de l'homme parcourt, elle aussi, un tour de 1.008 divisions. (28 méridiens x 36y).
"En effet, les vaisseaux des méridiens (tsing mo) des humains, en haut et en bas, à droite et à gauche, devant et derrière, sont au nombre de vingt-huit (6 yang + 6 yinn à droite et à gauche = 12 X 2 = 24 méridiens X 2 lignes médianes parcourues deux fois = 4 = 28).
"Le tour ainsi fait dans le corps est de seize tchang deux pieds (soit mille six cent vingt pouces d'environ deux cent. et demi) et répond aux 28 constellations.
"Un jour et une nuit sont divisés en cent "kro", pendant lesquels l'eau (de la clepsydre) s'écoule (24 h. : 100 kro donnent un kro = 14 minutes 24 secondes).
"Or, chaque fois que les humains inspirent de l'air, leurs pouls battent deux fois et l'énergie avance de trois pouces (environ sept cent. et demi). Et chaque fois qu'ils inspirent de l'air, leurs pouls battent deux fois et l'énergie a progressé de trois pouces. Inspiration et expiration étant apaisées, l'énergie a donc avancé de six pouces (environ quinze cent.).
"Après dix fois, l'énergie a progressé de six pieds, et le soleil s'est avancé de deux divisions...
"L'énergie qui circule revient après avoir communiqué au centre.
"Elle a fait un tour complet dans le corps pendant que l'eau (de la clepsydre) est tombée de deux kro (28 minutes 48 secondes) ; et que le soleil s'est avancé de vingt-cinq divisions (sur 1.008). Il y a eu deux cent soixante-dix respirations. L'énergie a parcouru seize tchang deux pieds (1.620 pouces et 2 cent. 1/2 = 40 mètres)."
"En treize mille respirations, l'énergie a parcouru cinquante étapes (ing) ; l'eau est tombée de cent "kro" ; le soleil a parcouru les 28 constellations ; l'énergie a parcouru huit cent-dix tchang (soit 81.000 pouces. Or, 1.620 x 50 = 81.000)."
Il semble que ces textes antiques aient subit quelques erreurs dans la transmission. Il n'est malheureusement pas indiqué par quelles expériences il a été constaté que l'énergie revenait à son point de départ en 28 minutes 48 secondes.
Le Nei Tsing lui-même souligne les difficultés des observations :
"Le livre dit :
(Ta Tch. II, p.27 v) : "L'énergie du yong (yinn, sang) circulant dans les méridiens fait le tour du corps en cinquante étapes (tou) sans distinctions de jour et de nuit. Arrivée à l'aube elle se réunit avec l'énergie oé (énergie iang) dans le méridien des poumons (cheou traé inn).
"L'énergie oé circule en dehors des vaisseaux (méridiens). Pendant le jour elle circule dans 25 étapes yang, et, pendant la nuit, dans 25 étapes yinn, pour se réunir à l'aube avec l'énergie yong (yinn) dans le méridien des poumons (cheou traé yinn).
"Ainsi l'énergie oé qui circule distingue seulement entre jour et nuit. Je n'ai pas entendu dire qu'elle distinguait entre haut et bas. Homme et femme, organes-trésor et organes-atelier, pour l'énergie et le sang qui vont et viennent, ne sont pas habituellement différents. Aujourd’hui, pour distinguer entre matin et soir, sur quoi s'appuie-t-on ? Cependant ce texte est admis par les gens de nos jours ; c'est pourquoi il est enregistré afin d'être discuté par ceux qui le verront". (G. Soulié de Morant)
L'ÉNERGIE VITALE
Il existe en chaque personne un "quelque chose", une énergie, que nous appelons force vitale, vitalité et qui anime les fonctions de la vie. Si cette force vitale faiblit, nous nous ressentons affaiblis ; notre résistance décline, toute activité devient difficile. Si cette force vitale disparaît d'une partie du corps, celle-ci meurt. Les éléments structurels les plus élémentaires disparaissent. Si cette énergie disparaît complètement, il s'ensuit la mort physique.
Hannemann, dans son "organon" le signale. Carton, dans ses études, le confirme. Chacun a fait l'observation de cette force vitale, de cette énergie, et plus précisément, le corps de l'énergie, qui non seulement anime la structure physique, mais est le lieu d'échange avec le corps du mental.
L'énergie vivante n'est donc pas seulement liée aux constituants chimiques du corps, elle est leur vie, tout en étant indépendante. Ainsi, nous pouvons simplifier en disant que l'énergie est la vie. La vie est la force qui ne peut se transmettre que d'un être vivant à l'autre. Elle distingue la matière animée de la matière inerte, la vie de la mort.
Nous pouvons distinguer l'énergie active de l'énergie latente, mais ceci n'étant qu'illusoire, car l'énergie, comme la vie, ne peut s'appréhender que par ses manifestations. Un proverbe chinois illustre ceci ; il dit
"que le pouvoir n'existe qu'à la condition d’être exercé".
Preuves et mesure de l'énergie
Faut-il inventer des instruments spéciaux pour mesurer l'énergie vitale ? Il est vrai que de nombreux appareils ont été inventés, d'autres le seront encore. Ils ne parviennent qu'à mesurer d'une manière incomplète les manifestations de l'énergie. Ils n'en mesurent que les manifestations. Mesures d'autant plus aléatoires que les manifestations de l'énergie peuvent être modifiées par de nombreux facteurs : repas, repos, fatigue, émotivité, climat, etc... Sans sous-estimer l’effet produit par l’expérimentation sur l’expérimenté.
La relativité de l'énergie
L'énergie est considérée comme ne pouvant jamais, ni se perdre, ni se créer. Elle est unique, et ne peut se constater que lorsqu'elle se polarise : Yinn et Yang, Tha et Ha, etc...
L'observation a permis de préciser que l'énergie peut se manifester sous de nombreuses formes : celles en dehors de l'Être Humain, celles propres à l'Être Humain : énergie psychique, pensées, sentiments, sexualité, magnétisme...
L'Extrême-Orient enseigne que le corps dans son ensemble est le lieu des mouvements de l'énergie, suivant des polarités bien déterminées : Yinn, Yang suivant la face du corps, le côté, le niveau... Le radiestésiste est sensible aux mouvements de l'énergie. Le corps peut très bien être plus ou moins phosphorescent, lumineux. On doit admettre certains faits même s'ils nous paraissent irrationnels. Chacun a pu constater que des étincelles peuvaient être perçues chez certaines personnes quand elles se peignent, manifestation d'une énergie appelée électricité statique.
Toutes les cellules du corps maintiennent une différence de potentiel électrique entre le côté interne et le côté externe de leurs membranes. Quand la cellule meurt, cette différence disparaît. Quand il y a activité de la cellule, il y a manifestation d'une courant d'activité. Chaque excitation d'une cellule, pas seulement nerveuse, provoque une décharge suivie d'un temps de repos pendant lequel la cellule se recharge.
On peut ainsi mesurer les effets de l'énergie soit par la mesure électrique, ou encore par les effets caloriques, de mouvements, de forces.
Ainsi, la chaleur du corps est une manifestation de l'énergie ; elle dépend de plusieurs facteurs.
1°) L'énergie provenant de la digestion. Les aliments ont un pouvoir calorigène qui leur est propre. Cet apport est indispensable à la vie. Le centre de la thermorégulation se situe dans l'hypothalamus, centre nerveux de commande du système neurovégétatif et endocrinien. La transpiration est un phénomène régulateur de l'hyperthermie ; bien d'autres phénomènes entrent en jeu.
2°) La respiration est un facteur indispensable à la régulation de la chaleur interne. L'air, en passant dans les poumons et surtout dans les cellules, permet une combustion comparable à celle de tout matériau combustible. Ce feu s'allume au moment où l'enfant se met à respirer à la naissance, bien qu’une respiration tissulaire existe déjà. Elle existait dans les deux cellules génitales. Tous les organismes se comportent comme des foyers thermiques.
3°) La chaleur peut enfin avoir des causes internes. Citons comme exemple la chaleur envahissant le corps à l'excitation sexuelle : combustion intense ayant une origine à la fois endocrinienne et psychique, reliée au système nerveux sympathique.
Pour résumer, nous pouvons considérer que les trois sources de chaleurs, manifestations primordiales de l'énergie, sont d'origines alimentaire, respiratoire et hormonale sexuelle. Cette énergie calorique est distribuée par un méridien particulier appelé trois réchauffeurs. Nous verrons que ces trois fonctions sont liées également au vaisseau antérieur (conception).
Signalons que la chaleur de la fièvre est une décharge, une élimination, que le froid du corps est en général considéré comme un manque d'énergie, et que dans certains cas, il s'agit d'une énergie froide et non pas d'une absence d'énergie. Cette énergie doit être respectée en remettant du chaud ou du froid. Elle laisse une grande fatigue, preuve de la dépense énergétique faite. C'est le froid " jusqu'aux os " ressenti dans certaines conditions non justifiées par une cause décelable.
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Bibliographie
L'Acupuncture Chinoise, George Soulié de Morant, Éd. Maloine.
Traité de médecine, d'alimentation et d'hygiène naturiste, Dr Paul Carton, Éd. Le François.
Étude instrumentale des techniques du yoga - Dr Thérèse BROSSE, Ed. Maisonneuve
Conscience-énergie, structure de l'Homme et de l'Univers Dr Thérèse BROSSE, Éd. Présence.